La mission de l’Artiste est souvent de faire réfléchir, éveiller les consciences ou ouvrir la porte possible vers un voyage intérieur. Cela est particulièrement vrai pour le travail de Clairette Gras, pour qui la recherche d’une singularité s’impose sans doute comme une vérité, un absolu. Si son travail de collagiste ne peut se concevoir sans celui de nouvelliste, peut-être celui-ci parvient-il aujourd’hui à prendre une vie tout à part, incisive, percutante, onirique ou bien tout simplement devient-il évidence.
L’évidence profonde vient en effet du sentiment qui se dégage des œuvres et là où on aurait pu parler simplement d’un pont entre abstraction et figuration, là où l’on aurait pu se contenter de se laisser emporter par la richesse des techniques picturales, artistiques, ou ébahir par la profusion des références et où l’âme est nourrie instinctivement (Clairette Gras aime repousser toujours plus loin les frontières de son art), on est subjugué plutôt par la quête d’idéal, d’authenticité, poussée aujourd’hui à son paroxysme et qui emporte tout sur son passage.
Clairette Gras se définit elle-même comme une voyageuse imaginaire et son art nous fait en effet nous envoler vers d’autres mondes, mais qu’ils soient plus sensibles, ou qu’ils montrent du doigt quelques vérités, ce voyage inévitablement nous renvoie à des émotions intimes, profondément humaines.
Et c’est là que l’artiste capte le mieux l’œil, les sens et le cœur, c’est dans cette profonde humanité qu’elle revendique comme un vertige fragile, certes, au premier abord, et qui pourtant parvient à se distiller hors des toiles, hors des couleurs, telle une fulgurance.
La force de l’art de Clairette Gras réside donc en ce que le voyage intérieur devient universel, « attendons de voir » si « la guerre » tant dénoncée, ou si les injustices mises en exergue, vont finalement prendre le pas chez l’Homme.
Mais penchons (parions) plutôt sur une rédemption possible de Lui à travers l’Art, à travers l’amour universel et ce qu’il porte en lui de meilleur, en filigrane. Car ces œuvres ne sont pas à contempler seulement, à découvrir, ou à admirer, on l’a dit, quelque chose est distillé, inévitablement, et le travail de l’artiste se poursuit, se diffuse bien au-delà et bien après cette première approche… L'art de Clairette Gras évolue sans cesse, dans un temps qui justement ne demeure jamais figé, à vitesse grand V, il n'est plus uniquement aujourd’hui, un travail de collagiste, mais bel et bien également d'artiste plasticienne.
Très préoccupée par une double thématique de plus en plus omniprésente au sein de son œuvre, à savoir le temps qui passe, inexorablement, et une profonde mélancolie (sans cesse « reboostée » par cette fameuse quête d'idéal sans fin dont nous parlions plus haut), l'artiste ne cessera de vous surprendre et de vous proposer, peut-être, une clé vers un ineffable « temps de pause » , et peut-être même, vers un indicible instant de bonheur.
Olivier Yves Vincello
Janvier 2018